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Déchaînements orageux sur le plateau de Valensole

par Tristan Bergen

Le Sud-Est de la France offre une saison orageuse quasiment sans fin avec des dégradations pouvant survenir tout au long de l’année. Si l’automne est considérée comme la haute saison, j’affectionne tout particulièrement la fin de printemps et l’été pour leurs orages diurnes quasi quotidiens sur les Alpes du Sud. Ces orages peuvent en effet se montrer particulièrement esthétiques, jonglant entre les hauts reliefs et les plaines intérieures. S’ils sont généralement courts et peu actifs, certaines situations peuvent s’avérer particulièrement violentes avec de véritables déchaînements orageux pouvant durer des heures.

Le plateau de Valensole est un endroit particulier, en périphérie des Alpes-du-Sud, ni en zone de relief, ni en zone de plaine. Il a longtemps été reconnu par bon nombre de chasseurs français comme un haut lieu des orages avec des situations qui lui sont propres.

Ayant commencé à « exploiter » la région deux ans auparavant sans jamais beaucoup de succès, j’avais espoir, en ce début juillet 2019, de changer la donne.

Déjà, en journée du 2 juillet, j’avais pu passer de longues heures à observer des orages avares en foudre sur le nord du Var. Sans trop de conviction, je prenais la route du retour en fin de journée alors que la convection se tassait sur la zone. Cependant, une dernière cellule semblait perdurer sur le nord des Alpes-de-Haute-Provence, et se diriger petit à petit vers le plateau à la tombée du jour. Après maintes hésitations, je décidai d’aller finir la journée sur le plateau, un champ de lavandes sur fond de coucher de soleil étant toujours bon à prendre photographiquement parlant.

Pourtant, plus j’avançai sur les longues lignes droites de la région, plus l’orage sembla vouloir se montrer une dernière fois avant de s’éteindre. Appareil posé en bordure d’un champ, j’attendai la photo que j’avais en tête depuis plusieurs mois maintenant. Quelques internuageux, roulements de tonnerre sur fond de grillons, deux ou trois coups de foudre peu lumineux et tout sembla terminé. Puis, après de longues minutes de doute vint l’ultime décharge…

Ce fut la dernière manifestation électrique de l’orage alors que la nuit tombait, et rien que cette photo valut les centaines de kilomètres de la journée.

Mais le lendemain, le risque orageux semblait encore plus intense, plus étendu, tous les paramètres étaient au vert sur à peu près les mêmes régions que la veille – à savoir le long du Verdon jusqu’au Nord du Var.

Je me plaçai donc en milieu d’après-midi près de la petite bourgade de Régusse (83), observant les premiers signes d’une instabilité croissante.

Il fait chaud, plus de 35°C avec une humidité ambiante croissante. Les brises sont présentes mais également surchauffées et l’attente s’en fait d’autant plus longue. Si les quelques orages monocellulaires présents sur la Sainte-Baume semblent actifs, c’est véritablement plus au nord que la situation semble s’agiter. De lourds congestus se forment le long de la convergence de brises près du Verdon, quoiqu’un peu plus au Nord. Une idée me vient en tête, Valensole ? Pourquoi pas, je ne suis pas loin après tout.

C’est après une vingtaine de minutes de route que je me retrouve au même endroit que la veille. Le tonnerre commence à gronder au loin et les bases nuageuse se font de plus en plus charbonneuses devant moi.

Bientôt, les premiers échos apparaissent au radar, tout semble s’agglutiner pile devant moi, le choix semble avoir été bon. Puis, un coup de tonnerre plus proche, bien proche en fait : une cellule orageuse se forme à quelques kilomètres de ma position. Vient alors le premier coup de foudre, puis le deuxième. Rapidement, tout s’accélère, l’orage se développe à une vitesse folle.

Le tonnerre est fracassant et résonne contre les hauts reliefs du Verdon. L’activité devient régulière mais on sent que ce n’est que la mise en bouche. Je passe quelques dizaines de minutes à observer cette première cellule qui alterne entre phases actives et phases muettes puis la pluie commence à tomber sur le point de vue, rapidement accompagnée de coups de foudre un peu trop proches. Il est temps de se déplacer un peu plus au Sud.

Sur les cinq minutes de route qui me séparent de mon point de vue suivant, une base particulièrement agressive se développe en marge de l’orage. Elle devient particulièrement menaçante, je ne me rappelle pas avoir déjà vu des bases aussi sombres, il fait quasiment nuit à 17h00.

L’ensemble présente une rotation évidente même à l’œil nu, la base s’enroule sur elle-même alors que la foudre recommence à sortir en marge du rideau de pluie. J’espère un coup de foudre sur les fameux émetteurs de Radio-Monte-Carlo, qui ne viendra pas. L’ambiance n’en reste pas moins plaisante.

Puis tout s’accélère, l’orage évolue rapidement vers le sud-ouest. Il est temps d’anticiper son déplacement. Sur la route, j’observe les bases nuageuses devenir encore plus sombres, les coups de foudre se succéder comme rarement. Les longues lignes droites du plateau me permettent de rapidement me déplacer, si bien que j’arrive une dizaine de minutes plus tard à mon point de vue suivant, spécialement choisi pour ses nombreux plants de lavande.

Je suis seul au milieu des routes en terre, l’ambiance me rappelle quelque peu les grandes plaines américaines, me faisant presque oublier le spectacle devant moi. Car en effet, l’orage se renforce encore, la foudre tombe de manière frénétique sur la même zone. Si bien que, même si l’orage est particulièrement étendu, il est possible de cadrer de façon précise sur la zone de foudroiement. Les photographies s’enchaînent.

Je suis ébahi par ce spectacle, rarement j’ai pu voir autant d’électricité, autant de puissance dans un orage. La foudre tombe toutes les cinq secondes sur tout l’horizon nord et les bases de l’orage deviennent de plus en plus menaçantes. Les rideaux se parent de vert, orange, jaune, bleu nuit, c’est un festival de couleurs.

La base se rapproche, l’atmosphère s’électrise peu à peu tout autour de moi alors que les premiers coups de foudre commencent à tomber dans mon dos. Chaque coup de foudre persiste dans ma rétine, le bruit du tonnerre est fracassant et continu. L’adrénaline est au plus haut.

L’épais rideau de grêle s’avance continuellement vers le Sud-Ouest si bien que la rangée d’arbres à ma droite me cache maintenant la vue. Après un petit décalage à l’Ouest, je me retrouve devant le cadrage de mes rêves.

L’orage est extrêmement puissant, la foudre tombe maintenant tout autour de moi de façon complètement anarchique. Parfois très proche, trop proche, un impact tombant sur ma droite derrière les arbres me rappelle que je suis bien trop exposé ici. Je laisse l’appareil dans le champ et me réfugie dans la voiture.

On entend les abeilles, ce bourdonnement caractéristique d’une atmosphère surchargée d’électricité. Les poils se hérissent, les cheveux se dressent, jamais je n’avais autant ressenti littéralement l’orage. Chaque coup de foudre est comme un coup de fusil.

Ceux-ci s’enchaînent à un rythme impressionnant, parfois toutes les trois à quatre secondes au plus fort. L’ambiance est extraordinaire.

Certains coups de foudre sont particulièrement esthétiques.

Le rideau de pluie et de grêle s’avance de plus en plus, bien qu’il devrait me tangenter. La pluie ne va pas tarder alors que la foudre frappe toujours tout autour de manière insistante.

Je récupère tant bien que mal l’appareil photo dans le champ alors que la foudre frappe à moins de 300m, je ressens l’électricité dans tout le corps. La pluie commence à tomber, le bruit des gouttes se mêle aux craquements du tonnerre.

Si l’orage est toujours devant, son noyau électrique s’est maintenant déplacé vers le Sud. Un léger replacement est donc nécessaire. La foudre frappe toujours aussi proche, à quelques centaines de mètres.

L’orage s’éloigne maintenant vers le Var mais l’adrénaline n’est toujours pas retombée. Des cellules se forment encore à l’arrière de celui-ci plus à l’ouest. Les dernières heures auraient largement eu de quoi me rassasier mais pourtant l’appel de l’orage est toujours plus fort. Après une vingtaine de minutes de route, je me poste en bordure de Saint-Julien-du-Verdon, petit village perché du nord-ouest du Var. Un dernier sursaut d’orgueil de l’orage me gratifiera de quelques coups de foudre dans une ambiance définitivement bien plus calme.

L’adrénaline est finalement retombée, la route est longue pour rentrer mais les images ancrées dans ma tête permettent de faire défiler les kilomètres. Je viens de vivre l’une de mes chasses les plus intenses depuis bon nombre d’années.

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