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Festival de ramifiés dans l’Hérault le 16 juillet 2013

par Christian Carmona

Retour près de dix ans en arrière avec ce récit de Christian Carmona qui nous conte sa soirée d’exception au sommet du Mont Saint-Baudille dans l’Hérault. Ou comment certains orages à l’apparence anodine peuvent s’avérer producteurs d’impacts de foudre ramifiée très spectaculaires. Un « classique » de l’été languedocien, mais qu’il n’est pas aisé de capturer dans de bonnes conditions.


D’après les prévisions du jour, une dégradation orageuse en provenance du sud-ouest du pays devait venir s’échouer sur l’Hérault dans un balayage ouest-est classique ce jour-là. Avec mes compères de l’époque Nicolas Bourgnoux et Lucas Mestre, nous décidions de prendre les devants et nous allions tenter notre chance depuis l’un des points hauts du département, le Mont Saint-Baudille (massif de la Séranne). À près de 850 m d’altitude, la vue est imprenable à 360° et notamment en direction des orages espérés. Un déplacement incertain puisque tous les doutes nous tourmentent : ces orages vont-ils se maintenir jusqu’à notre position ? Aura t-on du nocturne ? Le doute constant (et toujours d’actualité) du traqueur de foudre !


Nous patientons donc au sommet, à la table d’orientation. La nuit commence à se mettre en place et les cellules orageuses parviennent finalement à entrer dans l’Hérault. L’activité reste essentiellement intra-nuageuse et le vent se met à souffler en rafales, c’est l’un des inconvénients de se trouver au sommet de cette montagne. Nous pouvons malgré tout réaliser les premières captures avec quelques impacts de foudre tombant ça et la sur les reliefs du centre Hérault :

La foudre s’acharne sur un sommet… rendu invisible par la densité des précipitations

Malgré une distance encore importante (environ 20 à 30 km), les impacts sont déjà plutôt esthétiques, la vue en hauteur aidant. Au radar météo, l’amas orageux semble vouloir s’essouffler en progressant vers l’est mais l’activité électrique reprend par moments, plus proche autour du Lac du Salagou :

L’impact tombe probablement sur le Lac du Salagou mais la colline adjacente empêche de voir la quasi intégralité de l’eau… pas assez haute la montagne !
Quatre powerflashs se manifestent autour de cet impact noyé

Nous sommes maintenant face à un front pluvio-orageux proche. Quelques gouttes commencent à tomber. En altitude et au pied d’un pylône TDF de 70 mètres de haut, ce n’est pas la situation la plus sûre. Ce sont les instants où je suis personnellement, et c’est probablement votre cas, dans un dilemme entre fascination pour le phénomène et pour ce qui pourrait se manifester de façon très proche, et la peur d’un danger imminent et imprévisible qui nous ramène à la raison (nous sommes à environ 100 mètres de la voiture).

Dans ces situations, j’ai tendance à faire du cas par cas mais pour cette fois-ci, nous avions encore un peu de marge et l’envie de voir des impacts tomber dans la vallée de l’Hérault était grande. En effet, depuis ce sommet la plaine agricole est particulièrement impressionnante avec une vaste étendue parsemée de petits villages. Pour se protéger des gouttes, du vent et du risque présent, on va alors se mettre en bordure du chemin menant à la table d’orientation, légèrement dans la pente, accroupis avec nos trépieds en mode « bas ».

Un nouvel orage

En visuel, nous semblons apercevoir un nouveau rideau de précipitations plus dense abordant la vallée et le radar finira par nous le confirmer. Comme toujours, on espère, on prie, et puis l’instant arrive ! Flash aveuglant ! Les premiers impacts proches dans la vallée tombent. Les conditions sont difficiles et le cadrage pas au mieux. On recadre alors un peu et les flashs s’enchainent ! Personnellement, je ne vois pas les canaux tomber, seuls les flashs m’aveuglent mais mes compères les voient de leur propre yeux et chaque fin de pose est une « hallucination ». Nous n’en revenons pas de voir ce spectacle, issu d’une toute petite cellule au radar. Un véritable baroud d’honneur de ce front orageux qui vient s’échouer à nos pieds.

Sur les trois ultimes décharges électriques avant que la cellule ne s’éteigne, l’avant-avant dernière et l’avant dernière sont les plus spectaculaires. La foudre se déploie à cheval entre les précipitations et l’air sec, envoyant ses nombreuses ramifications lécher le sol. Le point de vue « comme dans un avion » assure le spectacle. Sur la photo suivante, six impacts simultanés dont deux plus puissants et ramifiés qui provoquent pour chacun d’eux un powerflash :

Crop sur les points d’impacts et powerflash. Un véhicule a eu chaud.

L’avant dernier flash est celui de l’extase : à la vue de nos écrans, trois fous hurlent, perdus au sommet de la montagne ! Un énorme sentiment de joie nous envahi, nous l’avions rêvé et la nature nous l’offre ! Sept impacts simultanés jaillissent et prennent d’assaut vignes et villages.

Ce type de photo, c’était mon rêve, né dans l’imaginaire bien concret qu’étaient les captures lémaniques de Christophe Suarez à l’époque où je débutais quelques photos « au balcon ».

Après un dernier impact noyé et peu lumineux, la cellule s’éteint aussi rapidement qu’elle est apparue et elle marque la fin de cette dégradation orageuse.

Le retour à la voiture et à nos domiciles respectifs fut l’un des plus agréables qui soit, encore tout émerveillés de ce que nous venions de voir et photographier. Placement parfait, orage parfait… c’est la loterie de la traque à l’orage où, au-delà des prévisions, la part de chance joue beaucoup et incite à venir, revenir, re-revenir, jusqu’à s’épuiser.

Quand ça finit par payer, on se rappelle pourquoi on se « bat » ! Je noterais que depuis presque neuf ans maintenant, cette soirée reste l’une des plus belles et je n’ai pas réussi à capturer une activité foudre aussi spectaculaire de par la configuration orage et positionnement. Chaque orage est unique, l’espoir et la persévérance sont les clés du bonheur (ou pas), alors même si une situation semble bancale sur le papier… cédons à la tentation !

Récit : Christian Carmona
Mise en page : Vincent Lhermet

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