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Analyse du foudroiement d’une ligne HT photographié par Nicolas Guilbaud

par Alex Hermant

Merci à Nicolas Guilbaud qui a accepté de publier son cliché sur Chasseurs d’Orages et également à Alex Hermant d’avoir pris le temps de commenter cette image.

Une belle et singulière image illustrant un impact frappant le câble de garde d’une ligne très haute tension, photographiée par Nicolas Guilbaud, vient de voir le jour. Dans le panel des milliers de photos de foudre circulant sur le net, les impacts sur les lignes THT demeurent exceptionnels… Celles que propose Internet se limitent, pour la plupart, à de pâlottes photos-montage qui ont envahi les banques d’images Internet.

Dans le cas qui nous concerne, il s’agit d’une ligne THT (très haute tension) reliant manifestement La Rochelle à Fontenay-le-Comte et passant du sud à l’est du village de Marans (17320).
Devant l’impossibilité de joindre le réseau EDF très haute tension de La Rochelle, il a été difficile d’obtenir des informations sur les caractéristiques de cette ligne, dans la mesure où l’intervalle entre les pylônes est de 360 mètres en moyenne, ce qui correspond à l’espacement préconisé pour le réseau de 400 000 volts. Cependant, les valeurs indiquées sur une carte du réseau EDF font référence à une ligne de 225 000 volts. La hauteur du pylône est estimée à 30 mètres, sans plus de certitudes.

L’analyse d’une telle image n’est pas aisée dans la mesure où l’environnement électromagnétique des lignes THT ajoute une source d’ionisation importante à l’air environnant, impliquant vraisemblablement des modifications dans le cheminement des traceurs (possible altération dans la propagation homothétique des fractales entraînant
des configurations exceptionnelles…). Ceci n’est qu’une conjecture personnelle.

L’éclair semble, à première vue, répondre aux caractéristiques visuelles des éclairs à polarité négative et d’intensité ordinaire, c’est-à-dire bien inférieure à 30 000 ampères (mais il s’agit d’une estimation visuelle). Ces deux points pourront être vérifiés par la suite.

Plusieurs événements se distinguent à la lecture de la photo :

  • 1 coup de foudre à terminaison horizontale légèrement rétrogressive sur un câble de garde (câble non électrifié destiné à réceptionner la foudre et à éviter les dommages sur les conducteurs inférieurs).
  • 2 ou 3 traceurs ascendants connectés au câble de garde foudroyé.
  • 1 traceur ascendant au niveau du sommet du pylône.
  • 1 claquage minuscule sur le second pylône de gauche.
  • Quelques nodules lumineux indéterminés (artefacts ?).

Une phénomène similaire filmé en 1995

En examinant la photo, il apparaît que la foudre frappe le câble de garde situé en arrière-plan (câble connecté à un bras porteur à droite mais non visible sur l’image). L’insignifiance de l’éclairage des entretoises et des montants du pylône, apparaissant en contre-jour, confirme que le coup de foudre ne passe pas devant le sommet du pylône mais derrière (l’illusion qu’il se situe en tout premier plan provient de la surexposition du canal fortement lumineux qui noie la structure métallique dans le blanc). La pente de l’éclair évolue donc de l’arrière-plan vers l’avant-gauche de l’observateur.
Bien que rarissime, ce cas de foudroiement, à moins de 10 mètres du sommet d’un pylône, n’est pas le premier et le graphisme montrant un éclair descendant puis remontant légèrement en crochet ou se terminant horizontalement pour atteindre sa cible, a déjà été photographié. L’image la plus célèbre fut réalisée en 1995 par une caméra automatique de la Niagara Mohawk Power Company. La foudre présente une composante rétrogressive remarquable à l’approche du câble. Le graphisme n’est pas sans rappeler l’image de Nicolas Guilbaud.

Foudre sur un cable de ligne haute tension filmé en 1995.

4 traceurs ascendants

Le phénomène de déviation latérale est imputable au fait que le traceur descendant principal n’est pas assez proche du sol, si bien qu’un traceur ascendant partant d’une proéminence à plusieurs dizaines de mètres du sol est attiré vers un traceur descendant latéral environnant. Il se connecte alors à lui avant que le traceur descendant principal n’ait pu établir la connexion avec un traceur ascendant au sol. D’autant que l’existence d’une proéminence affaiblit considérablement l’effet couronne au sol dans un certain périmètre, réduisant donc le potentiel de formation des traceurs ascendants. Il suffit pour s’en convaincre d’allumer l’auto-radio sur les grandes ondes et d’écouter crépiter les crescendos du champ électrique sous une pluie d’orage stratiforme. Que l’on s’approche d’un bâtiment élevé ou de grands arbres et les crépitements diminuent.

Crop sur l’image de Nicolas Guilbaud. Couleurs modifiées.


Des quatre traceurs ascendants notés sur l’image suivante, le TA–4 laisse un doute sur sa connexion avec le câble qui n’est pas marquée visuellement. Pourtant, il ne peut pas se créer dans l’air libre.
L’inclinaison latérale ou en crochet des derniers mètres du canal au point d’impact se rencontre principalement lors du foudroiement de falaises, cheminées, immeubles, tours de télécommunications, monuments hauts et étroits tels que les obélisques et certains arbres de grande taille.
La constante est, le plus souvent, un foudroiement latéral coudé ou à angle droit, au premier tiers supérieur de la proéminence. Le crochet correspond vraisemblablement à la longueur du traceur « ascendant » très incliné et parfois horizontal avant sa connexion avec un court traceur descendant vertical ou oblique.
La majorité des impacts présente, dans les premiers mètres, un canal perpendiculaire à la surface frappée. Plus rarement, des canaux à 45° d’inclinaison. Cela semble dépendre principalement de l’éloignement du traceur descendant principal et de son orientation de départ selon les vents et, en début d’orage, selon la structure des rideaux de pluie. Pour un câble, le cas est plus compliqué du fait de sa surface cylindrique de petit diamètre.

Concernant l’initialisation des traceurs ascendants sur les câbles de garde et les fils électriques THT, le gras de protection qui les recouvre capture des résidus de toutes sortes et particulièrement les insectes qui viennent se coller dans la graisse et provoquent de petits effets de pointe permettant l’apparition de l’effet couronne et parfois, comme ici, le développement de traceurs ascendants à l’approche de traceurs descendants.

Il est intéressant de noter un minuscule claquage électrique sur le second pylône de gauche au niveau de la connexion entre le câble de garde et le bras porteur du premier plan gauche. Ce claquage (à moins qu’il s’agisse d’un effet couronne fugitif) laisse supposer, si on le relie au long traceur descendant de gauche, qu’un foudroiement du pylône de gauche était envisageable et que cela s’est peut-être joué à quelques microsecondes (d’autant plus que la vitesse s’accélère à mesure que le traceur descendant se rapproche du sol).

Pour conclure, cette image démontre, même si cela n’est pas systématique, l’efficacité des câbles de garde en matière de protection contre les impacts directs sur les conducteurs électriques et la possible influence de l’environnement électromagnétique sur la configuration parfois complexe du canal de foudre dans les derniers mètres.


Vue plus large de cet impact réalisée par Antoine Besse.

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