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Les orages volcaniques

par Maxime Daviron

On pourrait penser que les éclairs sont un phénomène propre aux orages, ne pouvant jaillir que du cœur des cumulonimbus qui nous sont familiers. Pourtant, d’autres manifestations naturelles sont capables de produire la foudre, et de créer des visions plus exceptionnelles encore : les éruptions volcaniques. Peut-être avez-vous déjà vu certaines de ces images spectaculaires mêlant panaches de fumée, magma en fusion et nuées électriques. Des images si invraisemblables que leur véracité est parfois remise en cause par ceux qui les découvrent pour la première fois. Elles illustrent pourtant une curiosité bien réelle : les orages volcaniques.

Les mécanismes à l’origine du phénomène

Pour comprendre le phénomène des orages volcaniques, il faut avant tout savoir comment se forment les éclairs lors d’un orage classique.

Au sein d’un cumulonimbus, de puissants courants convectifs ascendants et descendants font entrer en collision cristaux de glace (montant et se chargeant positivement) et gouttelettes d’eaux (descendant et se chargeant négativement). C’est ce frottement et la différence de polarité induite qui électrisent le nuage, et c’est la différence de potentiel (entre le nuage et le sol, ou entre différentes parties du nuage) qui, quand elle devient trop importante, crée un arc électrique.

Il se pourrait que ce soit à peu de choses près la même chose qui se produise lors de certaines éruptions volcaniques. Toutefois, l’explication du phénomène ne fait pas encore consensus au sein de la communauté scientifique, d’autant plus qu’il ne se produit pas systématiquement lors d’une éruption.

La première hypothèse suggère que le nuage éruptif pourrait s’électriser de manière analogue à un cumulonimbus classique. Dans le panache de cendre, rejeté par le volcan dans un violent mouvement convectif, ce ne serait cette fois pas les gouttelettes d’eau et les cristaux de glace qui entreraient en frottement et se chargeraient électriquement dans la colonne éruptive, mais les particules de cendre et de poussière éjectées.

La seconde hypothèse, émise en 2019, est potentiellement complémentaire à la première. Elle suppose que ces éclairs seraient notamment générés par l’ionisation des gaz due à la présence de radon, un élément radioactif parfois rejeté par les volcans. Des prélèvement effectués par ballon au dessus du Stromboli en 2019 iraient dans ce sens. (Le radon serait alors un facteur décisif, là où le seul frottement des particules ne suffirait pas).

Si une chose est certaine en revanche, c’est que ce phénomène crée des visions aussi dantesques qu’apocalyptiques, qui sont sans aucun doute un rêve pour bon nombre de photographes, passionnés d’orages ou non.

Par chance, ces événements singuliers sont de plus en plus documentés depuis les années 2010, et certains photographes vulcanophiles en ont fait leur spécialité. Mais ces observations ne datent pas d’hier.

Une brève histoire des orages volcaniques

Dans l’histoire, on retrouve à plusieurs reprises la trace de ce phénomène. Certains des témoignages les plus anciens sont probablement ceux de Pline l’Ancien et Pline le Jeune lors de la célèbre éruption du Vésuve en l’an 79 apr. J.-C. :

« Il y avait une obscurité des plus intense […] entrecoupée erratiquement par l’éclat fugitif de la foudre. »

Pline l’Ancien (Traduction depuis l’Anglais).

« D’effrayants nuages sombres, déchirés par des éclairs tortueux et projetés […] »

Pline le Jeune (Traduction depuis l’Anglais).
John Martin, « The Destruction of Pompei and Herculaneum », 1822

C’est justement lors de la toute dernière éruption contemporaine du Vésuve, en 1944, que fut prise la première photographie connue de foudre volcanique par l’armée de l’air américaine.

Près de 20 ans plus tard, une image spectaculaire de l’éruption du Surtsey (Islande) en 1963 fut capturée par le photographe Sigurgeir Jonasson. Cette éruption en pleine mer forma une île culminant aujourd’hui à plus de 155 mètres d’altitude.

Sigurgeir Jonasson, 1963

Photographies Modernes

Depuis la fin des années 1990, des photographies plus détaillées du phénomène ont commencé à émerger, notamment avec l’arrivée du numérique. Mais c’est surtout au cours des 15 dernières années que les clichés les plus spectaculaires ont été capturés. Plusieurs photographes dont les images ont fait le tour du monde ont accepté de publier leurs prises dans cet article.

Sigurður Stefnisson | Éruption de l’Eyjafjöll (Islande), 2010

Martin Rietze | Éruption du Sakurajima (Japon), 2013

Martin Rietze | Éruption du Sinabung (Indonésie), 2014

Les éclairs volcaniques ne sont pas les seules manifestations analogues à celles que l’on peut rencontrer sous les orages. De part les échanges thermiques extrêmes qui ont lieu durant les éruptions, des « tornades » volcaniques peuvent également se former sur les pentes balayées par les jets de lave.

Martin Rietze | Éruption du Sinabung (Indonésie), 2014

Martin Rietze | Éruption du Colima (Chili), 2015

Dominic Blaser | Éruption du Cumbre Vieja (Îles Canaries, Espagne), 2021

N’ayant malheureusement pu entrer en contact avec certains des photographes les plus prolifiques de ce « club » très fermé, nous ne pouvons que vous inviter à aller explorer leurs sites et réseaux sociaux. Parmi eux : Sergio Tapiro et Francisco Negroni, ayant tous deux réalisé des images exceptionnelles au Chili en 2015 – respectivement au cours des éruptions du Colima (août 2015) et du Calbuco (avril 2015) ; mais aussi Ezra Acayan, photojournaliste ayant documenté la dévastatrice éruption du Taal (Philippines) en janvier 2020.

Sergio Tapiro | Éruption du Colima (Chili), 2015

Francisco Negroni | Éruption du Calbuco (Chili), 2015


Note technique : D’un point de vue photographique, des images comme celles de Francisco Negroni, présentant des centaines de décharges électriques, peuvent être réalisées de deux façons : soit, comme c’est le cas de ce dernier, grâce à de très longues poses (plusieurs minutes en moyenne) ; soit grâce à la technique du « stacking », visant à reproduire une longue pose en empilant plusieurs expositions successives plus courtes à la manière d’une surimpression.


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Sources :

Articles :

Études scientifiques :

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