Alors qu’en France la saison froide s’installe pour de bon avec son absence de manifestations kérauniques, une dégradation orageuse d’intensité assez remarquable pour la période de l’année a durement touché une partie des États-Unis les 10 et 11 décembre 2021, accompagnée d’un outbreak de tornades destructrices. Retour sur cette nuit désormais historique outre-atlantique…
Le matin du vendredi 10 décembre, le Storm Prediction Center émet un Moderate Risk (niveau 4/5) entre le nord-est de l’Arkansas, l’ouest du Tennessee et du Kentucky, le sud de l’Illinois et le sud-est du Missouri. Un risque de tornades potentiellement violentes et durables, issues de supercellules actives, est identifié pour la nuit suivante.
La journée du 10 décembre, tandis qu’une coulée froide touchait le nord-ouest du continent nord-américain, une masse d’air chaude assez remarquable pour la période remontait du golfe du Mexique. Le contraste est particulièrement visible sur la carte des températures maximales.
« Quad states tornado » : la tornade qui a touché 4 états
Au final, c’est un important outbreak tornadique qui se produit dans la zone concernée, avec pas moins de 32 tornades reportées. C’est surtout l’une d’elle qui a attiré toutes les attentions, en traversant quatre états différents, une première dans l’histoire des États-Unis. La supercellule a son origine, née en début de soirée du côté de Little Rock dans l’Arkansas et morte au sud-est de Louisville dans le Kentucky, a perduré sur près de 750 kilomètres, soit la distance Bordeaux-Bruxelles.
La tornade a adopté durant une bonne partie de son parcours un comportement « wedge » (base plus large que haute), et a pu être observée et filmée par de nombreux chasseurs d’orages américains.
Les conséquences sont lourdes avec plusieurs localités fortement touchées par son passage. La petite ville de Mayfield, à l’ouest du Kentucky, a été traversée en plein cœur par le tourbillon dévastateur. Les dégâts y sont colossaux, avec plusieurs centaines d’habitations et bâtiments rasés. Le bilan humain, encore provisoire, y serait de 70 à 100 victimes, ce qui fait de cette tornade la plus meurtrière aux États-Unis depuis Joplin, en mai 2011.
Au total, la tornade de Mayfield, que les américains surnoment déjà « the quad-states tornado » (la tornade des quatre états) aurait parcouru une distance d’au moins 220 miles, soit environ 350 kilomètres pour une durée de vie de quatre heures. Si les faits sont validés, il pourrait s’agir de l’une des plus longues tornades de l’histoire des Etats-Unis en terme de distance, approchant ou détrônant la tornade des Trois-États du 18 mars 1925.
Quant à son intensité, si le classement EF4 (haut de l’échelon) ne fait aucun doute, des analyses et enquêtes seront nécessaires pour valider ou non l’intensité EF5, notamment dans certains quartiers durement touchés de Mayfield. Pour rappel, le dernier classement officiel EF5 remonte à la tristement célèbre tornade de Moore, le 20 mai 2013. Cette tornade de Mayfield pourrait alors mettre fin à une durée record sans la moindre tornade EF5 dans le monde depuis le début des relevés.
Mayfield : une ville à reconstruire
Dans un quartier dévasté de Mayfield, c’est la désolation : des maisons, totalement rasées, ne restent que les dalles en béton des fondations au sol. Typique des tornades de forte intensité, les arbres sont totalement mis à nus et ébranchés, comme après un incendie. Les tôles et nombreux débris s’enroulent autour des troncs. Une enquête approfondie sera nécessaire pour déterminer si l’intensité n’aurait pas atteint l’échelon EF5 à cet endroit. Cela dépendra notamment du type et de la qualité des constructions, et de leur résistance au vent.
Mayfield compte 10 000 habitants. L’état de catastrophe majeure, décrété par Joe Biden, va débloquer davantage d’aide fédérale, mais la reconstruction s’annonce compliquée car la plupart des américains ne sont pas assurés pour reconstruire leurs maisons.
Plusieurs autres tornades auraient atteint ou dépassé le stade EF3 durant cette dégradation. A Edwardsville dans l’Illinois, en banlieue nord-est de Saint-Louis, un entrepôt d’Amazon a été littéralement éventré, alors que plus d’une centaine de salariés se trouvaient encore à l’intérieur. Le bilan humain, là aussi encore provisoire, serait d’au moins 6 victimes.
Sur une image aérienne, on devine le sens de déplacement de la tornade par la dispersion des débris vers le nord-est (le nord se trouve à gauche de l’image). Pour donner un ordre de grandeur, le bâtiment touché mesure environ 320 mètres de longueur.
Au total, le bilan humain, encore provisoire, s’élèverait à près de 100 victimes sur l’ensemble de la dégradation, dont plus de 70 rien qu’à Mayfield.
Un outbreak tornadique exceptionnel pour un mois de décembre ?
Bien que le pic de la saison des tornades aux États-Unis a lieu chaque année à la même période du printemps, en particulier entre mai et juin, le risque reste présent tout au long de l’année dans les grandes plaines. En revanche, décembre représente le creux de cette activité, avec en moyenne 27 tornades recensées sur l’ensemble du territoire, comme le montre ce graphique du site https://www.ustornadoes.com
Sur la carte ci-dessous, on observe le nombre moyen de tornades enregistrées en décembre pour chaque état. On voit que la zone touchée ce 11 décembre, bien que moins concernée que le sud des États-Unis, n’est pas totalement à l’abri du risque.
Des événements comparables sont déjà survenus à la même période, dans un passé pas si lointain. Il suffit de remonter à 2015 pour retrouver un événement plus ou moins similaire, avec un important outbreak de 38 tornades entre le Mississippi et le Tennessee, dont une d’intensité EF4. Cet épisode causa la mort de 18 personnes.
D’après les statistiques de la NOAA, on se rend compte que le dernier mois de l’année est loin d’être sans activité aux États-Unis. Le nombre de tornades observées chaque année en décembre, ainsi que les décès qui leur sont imputables, restent importants.
Nul doute que cet épisode tornadique et sa « Quate-States Tornado » resteront dans les mémoires et dans l’histoire de la météo américaine, non seulement pour sa survenue plutôt atypique en début d’hiver, mais surtout pour son ampleur et son bilan humain et matériel dramatiques. De quoi nous rappeler que la tornade, bien que fascinante et étant considérée comme le graal pour tout chasseur d’orages, reste le phénomène venteux le plus plus puissant et destructeur sur Terre et qu’il convient de rester humble face à celle-ci…
